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Quelques temps avant le début de la première guerre mondiale, dans une de ces communes qui dominent la Marne et cultivent la vigne, on s’apprête à marier Marie, femme jeune encore que son récent veuvage a mise à la tête d’une propriété considérable. Hors de question pour les familles de Marie et du défunt de laisser une femme diriger seule une exploitation de cette taille. D’où la présence à l’église en ce jour, en habit de noce, du lointain cousin Gaston, grossier, cuistre et falot. Mais il est seul car Marie, après un moment de faiblesse qui l’entendit accepter de donner sa main, Marie s’est reprise et a décidé de continuer seule.
Branle-bas de combat : tout le monde cherche Marie pour l’amener devant l’autel. Les spectateurs sont entraînés à travers les rues du village et puis dans les vignes et rencontrent plusieurs personnages qui, ignorant où se trouve la mariée récalcitrante, dresseront le portrait de la Champagne au début du XXe siècle : l’extrême contraste entre la pauvreté des récoltants et la richesse des maisons ; la révolte qui vit s’embraser Aÿ ; l’histoire complexe de l’invention du vin des noces et des salons… Mais enfin voilà Marie, seule dans sa robe blanche et dans le crépuscule…
Photographie(s) : Marie-Odile Publier
À l'extérieur de l'église, Antoine fait entrer les spectateurs et paraît chercher quelqu'un parmi eux.
Antoine, aux spectateurs. – Entrez, entrez… Prenez place… On n’attendait plus que vous… (À part.) Enfin bon, si l’on peut dire… (Aux spectateurs.) Bonjour, bonjour… Entrez, entrez… (À part.) Mais bon sang de bonsoir, Marie, qu’est-ce qui vous prend ? (Aux spectateurs.) Bonjour, bonjour… Par là, par ici… Installez-vous… (À part.) Nom d’un chien de nom d’une pipe de nom de Dieu (– il se signe –), ah, je m’en souviendrai de cette noce !
Les spectateurs sont installés. Antoine revient devant l'autel où se trouvent le Curé et Gaston. Les choristes sont prêts et attendent debout, leurs partitions à la main. Jeanne et Eugénie sont à l'écart et s'occupent d'une chapelle – dans la mesure du vraisemblable.
Le curé, à Antoine. – Alors ?
Antoine. – Rien. Tout le monde est à sa recherche et personne n’est revenu. Son père est parti pour sa maison, ses frères aux caves, ses sœurs sont aux bois, mes amis – là, les comédiens – sont dans les vignes… Enfin, tout le monde la cherche. Mais pour le moment, rien.
Le curé. – Ah ! (Entre Marie-Julienne, depuis la sacristie.) Ah, Marie-Julienne ! Alors ?
Marie-Julienne. – Alors ?
Le curé. – Alors, vous avez regardé ?
Marie-Julienne. – Ah ça, si j’ai regardé, j’ai bien regardé. Oh la la, partout, j’ai regardé, partout, partout, partout ! Dans la sacristie ! Dans le vieux confessionnal ! Dans la…
Le curé. – Oui, bon, et alors ? Vous l’avez trouvée ?
Marie-Julienne. – Ah, ça, pour trouver !… Ah, bah non.
Le curé, agacé. – Ah !
Gaston, dépité. – Ah !
Antoine, à Gaston. – Ne vous inquiétez pas, mon ami, tout va s’arranger.
Marie-Julienne. – Mais alors j’ai regardé, j’ai regardé, ouh-la-la ! J’ai même retrouvé le vieux missel de Madame Lété, tenez ! Il calait l’armoire aux chasubles !
Le curé. – Ah, Marie-Julienne, taisez-vous !
Marie-Julienne. – Ah, bah, alors, si on peut plus aider, hein, pfou !
Le curé. – Mais c’est un monde tout de même ! Où peut-elle bien être ? On ne disparaît pas comme ça le jour de ses noces !
Gaston. – Ah !
Antoine, à Gaston. – Mais tout va aller très bien, mon ami. Elle ne peut pas être bien loin. Elle aura dû… l’émotion… elle se sera isolée un moment, elle se sera assoupie… Hein ? Allons, allons ! Du cran, du cran ! Elle va arriver d’un moment à l’autre. Elle est là – presque là… Je…
Gaston. – Mon mariage. Mon beau mariage. (Montrant sa veste.) Regardez. Cent-vingt francs.
Antoine. – Oui…
Gaston. – Cent-vingt francs, oui, cent-vingt ! Et les fleurs, dites ? Et le bal, hein ? J’ai tout payé d’avance. Marie ! Marie ! Enfin, mais qu’est-ce que je lui ai fait ?
Antoine. – Mais rien, mais rien. Elle va arriver…
Entrent Fanette et Pauline.
Le curé, à Fanette et Pauline. – Ah, mes enfants, vous voilà enfin ! Alors ? Où est-elle ?
Fanette. – Elle est pas au cimetière.
Pauline. – Elle est pas au lavoir.
Fanette. – Elle est pas à l’école.
Pauline. – Elle est pas chez le boulanger.
Fanette. – Elle est pas chez l’épicier.
Pauline. – Elle est pas chez Marcelline.
Fanette. – Elle est pas chez Augustin.
Pauline. – Elle est pas à la fontaine.
Fanette. – Elle est pas…
Le curé. – Ah, ça suffit comme ça ! Elle est où ?
Pauline. – Sais pas.
Fanette. – Sais pas.
Le curé. – Mais qu’allons-nous faire ?
Gaston, à Antoine. – C’est que j’ai dû emprunter, moi. Et à douze pour cent encore ! C’est que ça me coûte, tout ça ! Vous vous rendez compte ? Douze pour cent !
Antoine. – Oui, oui…
Marie-Julienne. – Douze pour cent ? Mais où que c’est-il que vous êtes donc allé pour vous faire assommer comme ça ?
Le curé. – Marie-Julienne !
Gaston, à Marie-Julienne. – Chez Guillochat & Montorchi, à Épernay.
Marie-Julienne. – Mon pauvre monsieur ! Mais c’est voleurs et compagnie là-dedans !
Gaston. – Ah, pauvre de moi !
Marie-Julienne. – Des assassins, pour ainsi dire.
Le curé. – Marie-Julienne !
Pauline. – Bon, qu’est-ce qu’on fait, nous, en attendant, Monsieur le Curé ?
Fanette. – On peut continuer à la chercher. On n’est pas allées au pré des marronniers…
Pauline. – Ni au chemin des roches.
Fanette. – Ni à la pâture au Denis…
Pauline. – Et puis pas au…
Le curé. – Ah, taisez-vous ! Tenez-vous tranquilles ! Mettez-vous dans un coin et ne bougez plus ! Marie-Julienne, qu’est-ce que vous fabriquez avec ces cierges ?
Marie-Julienne. – Ben, je vérifie qu’ils marchent, pardi ! On sait jamais, par les temps qui courent…
Le curé. – Mais pour l’amour de Dieu, qu’est-ce que vous racontez ? Arrêtez de jouer avec les allumettes et laissez ces cierges tranquilles ! Mettez-vous dans un coin et ne bougez plus !
Gaston. – Mais qu’est-ce qui a bien pu lui arriver ? Douze pour cent ! Cent-vingt francs ! Elle ne peut pas me faire ça !
Antoine. – Mais tout va s’arranger, vous allez voir…
Marie-Julienne. – Ça se trouve, elle a eu un accident.
Gaston. – Quoi ? Qui ?
Marie-Julienne. – Ben, votre promise, pardi !
Le curé. – Marie-Julienne !
Pauline. – Elle est peut-être tombée dans un trou.
Le curé. – Pauline, veux-tu !
Fanette. – Dans le trou des goyots !
Le curé. – Fanette !
Marie-Julienne. – C’est vrai qu’il est dangereux, le trou des goyots, tout glissant, tout profond.
Le curé. – Marie-Julienne !
Pauline. – Ça se trouve, elle est morte !
Fanette. – Noyée !
Pauline. – Glou glou glou !
Fanette. – Arglou arglou ! Argh !
Gaston. – Le trou des Goyots ! Ah, pauvre de moi ! Morte ? Noyée ?
Le curé, à Fanette, Pauline et Marie-Julienne, menaçant. – Ah, c’en est trop ! (Désignant Gaston qui a porté une main à son cœur.) Vous voyez ce que vous avez fait ? Allez, hop, à la sacristie ! Allez, allez !
Marie-Julienne. – Ben quoi ? Ben quoi ?
Le curé entraîne Fanette, Pauline et Marie-Julienne vers la sacristie.
Gaston, à Antoine. – Vous vous rendez compte ? Si elle était morte ?
Antoine. – Mais non, mais non !
Gaston. – Cent-vingt francs ! Douze pour cent ! Mais qu’est-ce que je vais devenir ? Hein ? Hein ? Hein ?
Antoine. – Mais non, mais non, tout va bien.
Gaston. – Et Maman ? Où est Maman ?
Antoine. – Elle est avec les autres, partie chercher Marie.
Gaston. – Maman. Maman, Maman !
Antoine. – Elle va revenir. Dans une minute, elle sera là. Allons, venez, venez vous asseoir.
Gaston. – Maman ! Maman !
Antoine entraîne Gaston à l'écart et l'assied.
Antoine. – Voilà, tout va bien, tout va aller.
Gaston. – Maman, Maman…
Antoine. – Mais oui, mais oui…
Lucien, à Louise. – Maman, pipi, j’en ai marre !
Henri, à Georgette. – Moi aussi, Maman, pipi !
Lucien. – Pipi, Maman, pipi !
Henri. – Pipi ! Pipi !
Lucien. – Pipi ! Pipi !
Georgette. – Ah, ça suffit ! Tu peux pas te retenir deux minutes ?
Irène. – Ça fait déjà deux heures qu’on attend, quand même.
Henri. – Pipi ! Pipi !
Lucien. – Pipi ! Pipi !
Louise. – Bon, allez pisser, mes petits anges, mais taisez-vous, hein ? Ne faites pas de bruit.
Henri et Lucien sortent.
Georgette, à Henri et Lucien. – Et pas de bêtises, hein ?
Louise. – Mais non, ils seront sages comme des images.
Georgette, après un coup d'œil vers Gaston, en aparté à Louise et Irène. – Ça m’a tout l’air d’un gros pleurnichard, le Dom Juan, là.
Irène. – Puis un gros radin. Vous croyez qu’elle est où, sa fiancée ?
Louise. – Vu le pépère, elle a dû plier bagages, moi je dis. Vous la connaissez ?
Georgette. – Ben, oui, c’est la fille Hostomme.
Irène. – Celle qui était mariée avec le fils Mercier, Philippe.
Louise. – La veuve ?
Georgette, à propos de Louise. – Toujours un train de retard, celle-là. Ben, oui, la veuve.
Irène. – Évidemment, la veuve.
Louise. – Oh la la ! Ben, il est mort quand déjà ?
Georgette. – Y a un an, un an et demi.
Irène. – Un an tout juste.
Louise. – Eh ben, dis donc, elle a pas traîné.
Georgette. – Moi, je dirais qu’elle en a eu marre de chercher toute seule la bêbête à tâtons.
Irène glousse et ricane.
Louise. – Quoi ? Mais qu’est-ce que vous racontez ?
Georgette. – Mais rien, ma pauvre Louise. C’est plus un train, que tu as de retard…
Irène. – C’est un siècle.
Louise. – Mais pourquoi ? Je comprends pas, expliquez-moi…
Entrent le curé et Marie-Julienne, suivis, à distance, par Fanette et Pauline.
Marie-Julienne. – Ah, ben moi, je dis ça, je dis rien, hein ? Rien du tout, je dis…
Le curé. – Oh, Marie-Julienne, par pitié ! (Entrent Bernadette, Éloïse et Charlotte Lefat. À celles-ci.) Ah, alors ! Vous l’avez trouvée ?
Gaston. – Maman !
Bernadette. –Mon fils !
Éloïse. – Mon neveu !
Charlotte. – Mon frère !
Elles prennent Gaston dans leurs bras.
Bernadette, au curé. – Non, nous ne l’avons pas trouvée. Elle n’est pas là ? Non ? Ah, Seigneur, c’est une catastrophe. Mon fils, mon fils chéri, chair de ma chair, joyau de mes entrailles !
Éloïse. – Jésus, Marie, Joseph – un cataclysme ! Mon neveu, mon neveu !
Charlotte. – Sainte Marie mère de Dieu, c’est l’apocalypse, la fin du monde ! Mon frère, mon frérot, mon frangin ! Gastounet !
Bernadette, au curé, à Antoine, désignant Gaston. – Regardez comme il est beau, hein, regardez-le, regarde-le ! Et si fragile ! Comment peut-elle lui faire une chose pareille ? Comment ?
Éloïse. – C’est encore un enfant ! À peine sevré ! Tellement sensible ! Ah, la traîtresse !
Charlotte. – Ah, si je n’étais pas sœur, il y a longtemps que je l’aurais épousé, moi !
Bernadette. – N’a-t-elle donc pas de cœur ?
Éloïse. – De conscience ?
Charlotte. – D’âme ?
Bernadette, à Gaston. – Pleure, mon bébé, pleure sur ce sein plantureux qui hier encore te nourrissait de ses flots généreux. Mouille de tes larmes cette robe neuve !
Éloïse. – Quatre-vingt huit francs et quatre-vingt dix neuf centimes ! Ah ! Ah !
Charlotte. – Ah, cruelle, cruelle, cruelle !
Bernadette, à Gaston. – Mais garde espoir, mon fils, garde espoir, car s’il le faut, nous fouillerons la terre et le ciel !
Éloïse. – Nous la traînerons devant l’autel !
Charlotte. – Par les cheveux s’il le faut !
Bernadette. – Ton tourment bientôt va prendre fin, je te le jure, et dans la joie et l’allégresse, en justes noces tu convoleras !
Éloïse. – Ah, mon neveu, mon neveu !
Charlotte. – Ah, frérot ! Mon frère, mon frangin ! Toutounet !
Bernadette. – Mais bois, bois, mon fils, bois de ce lait qui t’a rendu si fort, si fier et si altier !
Le curé, interrompant Bernadette sur le point d'allaiter Gaston. – Madame, Madame, je vous en prie !
Gaston. – Maman, Maman…
Antoine, à Gaston. – Ça va aller, ça va aller… (Au curé.) Ça va aller. Monsieur le curé, je pense que…
Entrent Philomène, Berthe et Gabrielle.
Philomène, au curé. – Elle est revenue ? Non ? (À Bernadette.) Et vous ? Vous l’avez trouvée ? Non plus ? Incroyable, elle est introuvable ! (À Bernadette.) Permettez-moi de vous dire, Madame, que j’ai honte de ma propre fille – honte, oui, honte ! Regardez : je rougis. Si, si, je rougis, je vous assure ! Un beau mariage comme ça, un mariage si bien arrangé ! Non, non, c’est une honte ! Je suis déshonorée ! Ma famille est déshonorée !
Berthe, avec des œillades à Gaston. – Un beau mariage avec un bien beau fiancé !
Gabrielle, à Philomène. – Ah, ça, il est tellement beau, qu’elle doit se cacher au Pôle Nord, la Marie !
Philomène, à Gabrielle. – Toi, tais-toi, espèce d’impertinente ! Tu ne sais pas de quoi tu parles !
Berthe, à Gaston. – L’écoutez pas, Monsieur Gaston.
Gabrielle, à Philomène. – Je sais très bien de quoi je parle. Il est vieux, il est gros, il est moche ! À la place de Marie, je préférerais devenir bonne sœur plutôt que de l’épouser !
Philomène, à Gabrielle. – Ah, mais ! Veux-tu te taire, petite gourde ! (À Bernadette.) Excusez-la, chère Madame, je… (À Gabrielle.) Je m’en vais te tanner la peau des fesses si tu continues !
Berthe, à Gaston. – Elle y connaît rien aux hommes, aux vrais, hein ?
Gabrielle, à Philomène. – Bonne sœur au Pôle Nord, je me ferais !
Philomène, à Gabrielle. – Ah, oui ? Eh bien, continue comme ça et c’est bien ce qui risque de t’arriver ! Quatorze hectares, ça représente, ce mariage ! Elle peut bien faire un effort, ta sœur, non ? Bon, c’est vrai qu’il est plus tout jeune…
Berthe, à Gaston. – Mais si, mais si !
Gabrielle, à Philomène. – Ah, tout de même !
Philomène. – Et qu’il a pas une taille de guêpe…
Berthe. – Mais ça dépend des guêpes, ça…
Gabrielle, à Berthe. – Mais oui, c’est ça, et la ruche, c’est le Sacré Cœur !
Philomène. – Mais il est beau ! Quatorze hectares, ça rend beau. C’est comme ça ! C’est une loi universelle ! Et on ne discute plus !
Berthe. – Tu as bien raison !
Gabrielle, à Philomène. – S’il y a une loi universelle, c’est…
Philomène, à Gabrielle. – Plus un mot !
Gabrielle, à Philomène. – Je…
Philomène se montre physiquement menaçante à l'endroit de Gabrielle.
Gabrielle. – Pff !
Entrent Jeanne et Eugénie, tenant Henri et Lucien par les oreilles.
Eugénie, à Lucien. – Allons, avance, petit voyou !
Jeanne, à Henri. – Vaurien !
Eugénie. – Avance, misérable !
Jeanne. – Criminel ! Apache !
Eugénie. – Ah, Monsieur le Curé ! Vous les connaissez, ces graines de gibiers de potence ?
Jeanne. – Ces anarchistes !
Eugénie. – Ces assassins !
Jeanne, montrant les enfants. – Tenez, regardez !
Lucien et Henri ont le hoquet et des renvois.
Eugénie. – La mariée, Monsieur le Curé, la mariée !
Jeanne. – La mariée !
Eugénie. – Rien, il n’en reste rien, rien de rien !
Jeanne. – Sauf les pieds !
Eugénie. – Et encore ! Tout gluants, tout suçotés ! Regardez…
Eugénie brandit les pieds en sucre.
Jeanne, désignant Henri. – Il a mangé la tête ! Crunch ! Cratch !
Eugénie, désignant Lucien. – Et lui les épaules !
Jeanne. – Il a failli s’étouffer en boulottant les jambes !
Eugénie. – Je lui ai arraché les pieds de la bouche !
Lucien et Henri ont le hoquet et des renvois.
Jeanne. – Le repentir ? Pas du tout !
Eugénie. – L’indigestion, oui !
Jeanne. – Vauriens !
Eugénie. – Voyous !
Jeanne. – Sans notre intervention, ils s’attaquaient au marié ! Si, si !
Eugénie. – Ils le dévoraient !
Jeanne. – Un marié sans sa mariée, qu’est-ce que vous dites de ça, Monsieur le Curé ?
Eugénie. – De quoi avons nous l’air, maintenant ? Des heures de travail ! Un chef d’œuvre de patience !
Jeanne. – Une pièce montée admirable ! La chapelle Sixtine de la pâtisserie !
Eugénie. – Trente-six œufs, quatre livres de beurre, huit kilos de farine…
Jeanne. – Douze litres de crème fouettée, onze barquettes de fraises…
Eugénie. – Sept-cent dix-huit amandes…
Jeanne. – Lavées, épluchées, émondées…
Eugénie. – Finement grillées !
Jeanne. – Un crime, Monsieur le Curé, un crime !
Eugénie. – Nous réclamons justice, Monsieur le Curé !
Jeanne. – Justice !
Antoine. – Mes amis, mes amis ! S’il vous plaît… Écoutez… Cela n’a que trop duré. Partons tous à sa recherche. Elle ne s’est pas évaporée, elle est forcément quelque part. En nous y mettant tous, eh bien… Allons-y. N’est-ce pas, Monsieur le Curé ?
Le curé. – C’est ça, oui, voilà, c’est ça. Tout le monde dehors. Du vent. Allez, ouste !
Antoine, aux choristes. – Et vous aussi. Allons-y tous.
Les choristes, les deux demoiselles d'honneur, Marie-Julienne, les familles de Marie et de Gaston, Gaston lui-même et Antoine sortent de l'église, plus ou moins poussés par le curé.
Mutigny, à 10 km au Nord-Est d’Épernay, offre une balade plaisante, ludique et pédagogique. En parcourant le Sentier du Vigneron, boucle de 2,2 km en plein cœur du vignoble, jalonnée de stations, les randonneurs découvriront les richesses et les caractéristiques du terroir champenois ainsi que les méthodes de travail de la vigne dont est issu le champagne.
Par ailleurs ce samedi, sur ce même sentier, la Compagnie du Diable à Quatre Pattes sera présente pour offrir au public quatre séances de théâtre déambulatoire. L’histoire des « Noces de craie », c’est le titre de la pièce, se situe en juillet 1914. Un des personnages est sur le point de se marier mais en l’église dit « non » et abandonne les convives à leur stupéfaction. En fait, cette femme est l’unique héritière d’un époux trop tôt décédé. Les familles, la sienne et celle du défunt, voient d’un mauvais œil le contrôle d’un beau domaine viticole leur échapper. D’où ce projet de noces, auxquelles, au dernier moment, elle se soustrait.
Le Sentier du Vigneron, en partenariat avec la commune de Mutigny, commémore ainsi le centenaire de la Première Guerre Mondiale.
Ce jour-là, elle était sensée se marier. Ce jour-là, elle aurait dû dire « Oui ». Mais ce jour-là, la mariée a dit « Non », juste avant de quitter l’église, laissant familles et convives totalement stupéfaits. Une seule question s’est alors posée : pourquoi ? « Cette femme, jeune encore, est l’unique héritière d’un époux trop tôt décédé et dont les familles, la sienne et celle du défunt, voient d’un mauvais œil le contrôle d’un beau domaine viticole leur échapper. D’où ce projet de noces, auxquelles, au dernier moment, elle se soustrait », explique la Compagnie du Diable à 4 pattes, à qui le projet des Noces de Craie a été confié. Dans le cadre du centenaire de la Première Guerre Mondiale, Le Sentier du Vigneron, en partenariat avec la commune de Mutigny, a en effet souhaité commémorer l’événement de manière théâtrale et vous invite à une déambulation nocturne dans les vignes.
Tout au long de la soirée, la mariée arpentera donc le très beau Sentier du Vigneron, dominant la vallée de la Marne, et exposera ses motivations aux spectateurs. Lesquels auront également l’occasion de découvrir le travail de la vigne en Champagne au début du XXème siècle, ainsi que le quotidien des vignerons, par le biais de plusieurs rencontres théâtrales au fil du parcours. Une déambulation au terme de laquelle les participants pourront se restaurer, avant d’aller danser sur la petite place de la mairie, le tout dans une ambiance d’époque garantie : guinguette, chansons et kermesse garantiront la convivialité de l’instant !
Claire Lagrange